Éros à Thanatos

dans Thérèse Raquin d'Émile Zola et Kamouraska d'Anne Hébert

Sigmund Freud
Avec ses recherches, Sigmund Freud apporte un élément crucial dans la conception du désir; les pulsions sexuelles et celles de mort sont liées entre elles. En fait, elles servent le même but, soit réduire les tensions de l’être, de deux façons. La première est en générant l’énergie nécessaire à la satisfaction du désir. C’est Éros. La deuxième est en tendant à rendre le corps à son état initial non désirant. C’est Thanatos[1]. Cette conception du désir sexuel ne rend pas nécessairement le désir fatal, puisque les deux énergies ont pour but l’équilibre de l’être. Toutefois, Thérèse Raquin d’Émile Zola (France, 1867)[2], roman très mal reçu par la critique à l’époque à cause de son « immoralité »[3], mais dont  l’auteur n’est pas moins considéré aujourd’hui que comme une figure emblématique du courant naturaliste, propose une démonstration très pessimiste de la conception d’Éros et Thanatos. C’est le même cas pour Kamouraska (Québec, 1970)[4], souvent nommé comme étant le roman emblématique de la carrière d’Anne Hébert, une des grandes écrivaines québécoises. Les deux romans, malgré une centaine d’années et un océan les séparant, mettent en scène deux histoires étonnantes par leurs similitudes. En effet, il y est raconté dans les deux romans une histoire d’adultère, d’élaboration du meurtre du mari, du meurtre lui-même, suivi de la mort, physique ou psychologique,  de la figure féminine désirante. Ainsi, dans les deux œuvres, j’étudierai cette façon qu’a le désir sexuel de se transformer en mort au lieu de collaborer avec lui. Afin d’étudier cette évolution tragique, et par le fait même de tenter une déduction à propos des facteurs externes qui mènent à une telle fatalité, j’étudierai d’abord les personnages féminins désirants, ainsi que les figures matriarcales les entourant. Ensuite, l’évolution du désir sera étudiée en cinq parties : l’étape présensuelle, la naissance de la sexualité, l’engouffrement dans la passion, le paroxysme de la jouissance et la culpabilité finale.

1.      La figure féminine désirante


Avant de commencer l’analyse de la figure féminine désirant, il est pertinent de parler de la conception de Freud de la cohabitation de la pulsion de vie et de mort comme il l’explique dans son traité Au-delà du principe du plaisir[5]. En effet, selon le psychanalyste, l’organisme vise deux buts. D’abord, le prolongement de la vie, l’immortalité. Ce but est accompli par la force sexuelle. Ensuite, il vise la « réduction absolue des tensions »[6], donc « restaurer un état antérieur, inorganique, inanimé »[7]. C’est la pulsion dite de mort. Ces deux buts n’en forment réellement qu’un seul, c’est pourquoi on peut dire qu’Éros et Thanatos agissent ensemble : « Une pulsion est une poussée dynamique, elle a une charge énergétique qui va lui permettre d’atteindre son but, c’est-à-dire d’obtenir la satisfaction qu’elle vise. Ainsi l’organisme va accéder à une décharge pulsionnelle, c’est-à-dire l’extinction temporaire de la pulsion (…) »[8] Alors, selon une vision psychanalytique, les pulsions de vie et de mort sont inextricablement liées. En plus, puisque le thème même de cette analyse possède une base psychanalytique, il est important de souligner une autre théorie de Freud : celle du « moi », du « surmoi » et du « ça ». En effet, selon Freud, le psychique d’une personne se sépare en trois parties distinctes : « Le ça tend à satisfaire les besoins innés de l’individu, il "néglige les dangers et la conservation de la vie". Le ça est un principe de Plaisir. Le moi, qui est en contact avec l’extérieur, cherche le moyen le plus favorable et le moins périlleux pour obtenir une satisfaction. Le surmoi, lui, cherche toujours à réfréner les satisfactions. »[9]

Émile Zola

Dans le roman d’Émile Zola, la figure féminine désirante se nomme Thérèse. Au début, le personnage de Thérèse est clairement défini : c’est un être désirant, pulsionnel, les nerfs à fleur de peau, dont la nature nerveuse, donc agitée et émotive, est étouffée par son environnement. Par conséquent, le personnage de Thérèse est partagé en deux parties; celle indifférente et docile, et celle pulsionnelle et instinctive. Cette division chez le personnage féminin est mise en lumière par deux champs lexicaux : celui du feu, donc la passion, et celui du froid, donc la mort. Ainsi, lorsque l’attitude de Thérèse en présence de sa tante et Camille, son mari, est décrite, elle est « froide et indifférente » (TR : 26), « glacée » (TR : 29), « frémissante » (TR : 52), avec un « masque de morte qui glaçait son visage » (TR : 57) tandis que seule avec Laurent, lorsqu’elle vit « des scènes de passion ardentes » (TR : 52), on peut constater « des effluves chaudes » et comme « des flammes [qui] s’échapp[ent] de sa chair » (TR : 48). Alors, dans la construction même du personnage désirant, la notion d’Éros est liée à celle de Thanatos. En effet, les deux facettes de la personnalité de Thérèse ne font pas que s’opposer dans cette lutte chaud/froid, elles vivent en symbiose : « Et, au fond d’elle, il y avait des rires sauvages; tout son être raillait, tandis que son visage gardait une rigidité froide (…) Ah! Comme elle trompait ces bonnes gens, et comme elle était heureuse de les tromper ainsi avec une impudence si triomphante! » (TR : 24) L’antithèse liant « rigidité froide » à « rire sauvage » témoigne bien de l’interrelation entre les deux facettes de la personnalité de Thérèse. Cette dualité dans le personnage fait écho aux théories de Freud. Évidemment, il y a la cohabitation de la pulsion de vie et de mort comme expliquée au début du chapitre. Donc, à la lumière des théories de Freud, les instincts de Thérèse peuvent s’inscrire dans un comportement normal, puisqu’Éros et Thanatos agissent ensemble. Toutefois, si on pousse davantage l’analyse, on peut remarquer un léger dérèglement sous la lumière de l’analyse du « moi », du « surmoi » et du « ça ». Effectivement, le « ça » de Thérèse est toujours en conflit avec son « surmoi ». La présence du « moi », donc d’une médiation entre les deux, est inexistante. Alors, même si la présence de la pulsion de vie et de mort est normale, c’est la gestion de ces deux pulsions qui est déréglée. En effet, le « surmoi » du personnage ne lui permet en aucune façon d’exprimer ses pulsions sexuelles comprises dans son « ça ». Cette caractéristique de Thérèse montre qu’elle est un personnage déséquilibré dès le début de l’histoire.  


Anne Hébert


Dès les deux premières pages de Kamouraska, un étrange procédé narratif se déploie autour du personnage principal. Élisabeth d’Aulnières, après le meurtre de son mari et la fuite de son amant, se remarie pour sauvegarder les apparences. Mme Rolland est finalement Élisabeth d’Aulnières mariée à M. Rolland. Toutefois, dans la narration, il y a une distinction entre Mme Rolland et Élisabeth[10]. Les passages concernant Mme Rolland sont narrés par un narrateur extra-hétérodiégétique[11].  Cette narration est remarquable au tout début du livre par l’utilisation de la troisième personne du singulier comme pronom : « L’été passa en entier. Mme Rolland, contre son habitude, ne quitta sa maison de la rue Parloir. » (K : 7) Puis, à peine trois paragraphes plus loin, le narrateur tend à devenir intra-homodiégétique lorsque l’on traite d’Élisabeth : « Moi, moi, Élisabeth d’Aulnières, veuve d’Antoine Tassy, épouse en secondes noces de Jérôme Rolland. » (K : 8) Ce changement de narration se fait en quelques lignes uniquement, ce qui donne l’impression qu’Élisabeth et Mme Rolland ne sont pas la même personne. C’est la « fracture du nom »[12].En effet, il y a une fracture entre le nom de Mme Rolland et celui d’Élisabeth. Élisabeth est alors « irrémédiablement divisée entre un être de représentation, qui assume sur le plan de la fiction un ensemble de valeurs socialement légitimées, et un sujet désirant, envahi, submergé à son corps défendant par des forces pulsionnelles incontrôlables »[13]. Mme Rolland est donc la coquille « soumise et irréprochable » (K : 7) qui sauvegarde l’honneur d’Élisabeth, l’« enfant sauvage » ( K : 35), désirante et désirée. Avec un regard psychanalytique, on peut voir dans cette séparation du personnage un conflit entre le « ça » pulsionnel et le « surmoi » contrôlant. Encore une fois, on note une absence de médiation entre les deux. En plus, si on s’attarde à la conception de Freud du « retour du refoulé » (un désir refoulé ne disparaît pas, mais essaye de revenir par tous les moyens possibles à la conscience pour être satisfait)[14], elle peut aussi éclairer la situation. En effet, le désir amoureux refoulé, constamment occulté[15], constitue la base du personnage d’Élisabeth; elle lutte contre son désir toujours vivant de son amant.
Dans les deux cas, les figures féminines désirantes ont donc un dédoublement de leur personnalité. D’un côté, leur personnalité est frigide et a pour but de conserver les apparences. De l’autre côté, elles sont des êtres pulsionnels dont les désirs sont refoulés par la première personnalité. Leur « ça » et leur « surmoi » sont en lutte. Toutefois, un élément majeur les différencie. Même si la nature dédoublée des personnages est montrée au début dans les deux œuvres, dans Thérèse Raquin, le dédoublement du personnage correspond au début de l’histoire, donc au caractère premier de Thérèse. Elle renoue en quelque sorte avec sa nature en commettant l’adultère : « Dès le commencement, les amants trouvèrent leur relation nécessaire, fatale, toute naturelle. » (TR : 47) Cette accumulation d’adjectifs, « nécessaire », « fatale » et « naturelle », est intéressante puisque si on étudie un peu plus le sens de chaque mot, ils disent de la relation qu’elle est hors du contrôle de la protagoniste. Ainsi, la notion de libre arbitre est totalement évincée. La nature prend toute la place, au détriment de la liberté. Donc, la relation libère les pulsions qui font déjà partie de son être à cause de son hérédité, et, par conséquent, la cassure vient de l’être lui-même, même si l’adultère joue un rôle de catalyseur. Au contraire, dans Kamoursaka, l’identité de la protagoniste se divise au fur et à mesure qu’elle cède à ses pulsions sexuelles, et son identité se fracture définitivement après le meurtre de son mari, lors de son deuxième mariage : « Je n’ai plus qu’à devenir si sage qu’on me prenne au mot. Fixer le masque de l’innocence sur les os de ma face. » (K : 249) L’innocence, représentée comme un masque, devient un costume, une barrière, derrière laquelle elle se cache. Toutefois, en mettant le masque sur ses os, sous sa chair alors, il devient une deuxième partie d’elle, tout en étant faux, d’où la cassure. On peut voir dans cette évolution que ce sont les conséquences de son désir sexuel et les moyens qu’elle prend pour le camoufler qui apportent une cassure de son être. Par conséquent, il est logique de déduire que le dédoublement de personnalité se fait à cause de la pression de la société, de l’« effort quotidien de la vertu » (K : 8), « la comédie épuisante, jour après jour » (K : 249) qu’elle doit jouer pour se conformer et pour camoufler son désir encore vivant de Nelson, son ancien amant. Cette distinction entre les deux œuvres est très intéressante parce qu’elle apporte une tentative d’explication des raisons extérieures qui font du désir sexuel un si condamnable désir. En effet, en se fiant uniquement à la constitution des personnages, il est possible d’avancer que la vision très pessimiste d’Éros menant à Thanatos dans les deux romans vient dans la première œuvre d’une tare personnelle et dans la deuxième œuvre de l’influence et de la pression de la société. Le problème vient donc de la personne elle-même chez Zola et de la société chez Hébert.

2.      Influences des figures matriarcales
Avant de commencer l’étude de la figure de la matrie, il est important d’expliquer pourquoi une telle entreprise est significative dans ce travail. Cette partie relève d’une analyse psychanalytique des personnages. En effet, comme Julia Kristeva l’explique dans son analyse psychanalytique Roméo et Juliette ou l’amour hors la loi, les partenaires recherchent leur relation avec leur mère chez l’autre, surtout en ce qui concerne la femme. Effectivement, le but de la stabilité d’une union est de fonder une famille. Ainsi, pour la femme, l’homme ne devient plus protecteur, ni amant, mais plutôt nourricier, adoptant le même rôle que sa propre mère[16]. Ainsi, en analysant les figures matriarcales dans les deux romans, c’est une proposition psychanalytique de la raison de la recherche de la mort dans le désir amoureux que l’on recherche.

Émile Zola, Thérèse Raquin,
Éditions Pocket, 2005

Dans Thérèse Raquin, la figure matriarcale repose sur deux personnages. Le premier est la mère biologique de Thérèse. Sa mère, morte en couches, peut symboliquement présager la mort dans le couple. Toutefois, en contradiction avec la mort, la mère de Thérèse symbolise aussi la passion, puisque venant d’Afrique, elle a légué à Thérèse « la chaleur de son sang »[17], selon une vision assez stéréotypée du peuple africain. C’est à cause de cette hérédité que Thérèse possède une fougue que nul autre ne possède : « Tous ses instincts de femme nerveuse éclatèrent avec une violence inouïe; le sang de sa mère, ce sang africain qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son corps maigre, presque vierge encore. » (TR : 48-49) La construction en parallèle de cette phrase dépeint bien le lien qu’il y a entre la nervosité, la violence de la femme et sa mère. Donc, la première figure maternelle de Thérèse impose déjà une cohabitation entre passion et mort, Éros et Thanatos. Thérèse est ballottée entre ses deux instincts, et ceci se transpose dans sa relation avec Laurent. Le deuxième personnage représentant la matrie est sa tante, Mme Raquin, qui l’a élevée. Cette figure est aussi une source de contradiction à cause des sentiments qu’elle suscite chez Thérèse. Thérèse reconnaît bien l’ambiguïté de ses sentiments lorsqu’elle s’explique à Laurent, au début de leur relation, en parlant de Mme Raquin et de Camille, à la fois son cousin et son mari : « Je ne leur souhaite pas de mal. Ils m’ont élevée, ils m’ont recueillie et défendue contre la misère… Mais j’aurais préféré l’abandon à leur hospitalité. » (TR : 50) C’est que la tante, toutes douceurs et attentions pour son fils et sa nièce, les surprotègent et cette douceur, trop enveloppante, finit par écraser les deux enfants, qui, en grandissant, sont dégoûtés. La rancœur et la gratitude ne font donc qu’un dans cette relation. Si on se penche alors sur la relation entre Laurent et Thérèse à la lumière de ces observations, on peut remarquer plusieurs aspects intéressants. D’un côté, la relation de Thérèse et Laurent est basée sur la passion, dont « (c)haque nouveau rendez-vous amenait des crises plus fougueuses » (TR : 52). Les instincts de Thérèse, hérités de sa mère, sont donc la base de la relation avec Laurent. Toutefois, une relation si puissamment liée à la figure de la mère est conséquemment indissociable de la mort.  Pour utiliser les mots de Zola, cette relation était « fatale » (TR : 47). Le choix de ce mot « fatal » est très intéressant puisqu’il présente en lui deux notions, celle du destin et celle de la mort. Pour résumer, on pourrait dire que la naissance du couple Thérèse/Laurent est étroitement liée à la naissance de Thérèse elle-même, dans le sang bouillant de sa mère morte. D’un autre côté, plus la relation de Thérèse et Laurent avance, plus elle ressemble à la relation entre Mme Raquin et Thérèse. En effet, on pourrait dire que le changement d’attitude de Thérèse envers Laurent se passe plus précisément après le meurtre de Camille. En effet, Thérèse ne ressent pas une réelle gratitude pour le geste que Laurent a posé pour qu’ils puissent vivre leur amour. Et leur couple, peu à peu, dégénère. Elle en vient même à en vouloir à Laurent pour son acte. Alors, on peut déduire qu’elle aurait « préféré l’abandon », comme elle l’aurait préféré venant de sa tante.

Anne Hébert, Kamouraska,
Éditions Seuil, 1997

Dans Kamouraska, on note deux figures matriarcales influençant Élisabeth, selon l’étude «Le discours de l’Autre dans Kamouraska» de Christain Klège. Premièrement, il y a les trois petites tantes. Elles sont trois vieilles filles. Elles transmettent donc « par procuration une visée idéalisée de l’amour »[18]. En effet, n’ayant jamais pu être ni épouses ni mères ni même maitresses, les tantes sont restées avec une visions très idéalisées de ces concepts. En plus, elles voient en leur nièce un avenir prometteur qu’elles s’imaginent partager et même vivre, réalisant leurs rêves : «Une profonde et mystérieuse solidarité féminine semble [leur] promettre tout un destin fabuleux. Chaque ovule perdu de [leur] vie stérile va-t-il incessamment être fécondé? Galamment.» (K : 55) Alors, puisqu’Élisabeth est élevée par ses tantes, sa vision de l’amour devient en quelque sorte utopique. C’est probablement pour cela qu’elle est déçue de son premier mariage, mais aussi pourquoi elle n’impose aucune limite à son amour pour Nelson, qui correspond à son idéal. Deuxièmement, sa mère a aussi une influence. Ayant perdu son mari très jeune, à dix-sept ans, elle entre « en demi-deuil pour l’éternité » (K : 52) Cette figure symbolise la mort, mais une mort au deuil lent et interminable. En effet, la notion de « demi-deuil » est à souligner. Il présage la fin de la relation entre Nelson et Élisabeth, qui n’est pas vraiment une fin. En effet, Nelson s’enfuit aux États-Unis après le meurtre. Par conséquent, la relation entre les amants ne prend pas une véritable fin, sans vraiment continuer.  C’est le « deuil impossible de l’objet perdu »[19]. Donc, les figures matriarcales apportent comme influences celles de la mort et d’un idéal amoureux.
En comparant les deux œuvres, on voit que les figures matriarcales ont une réelle influence dans les deux couples. En plus, dans les deux cas, il y une des deux figures maternelles qui représentent la mort. Ainsi, si on se fie à l’analyse psychanalytique du couple qu’a faite Julia Kristeva et qui explique la recherche de la mère chez le partenaire, on remarque que Thérèse comme Élisabeth, involontairement, recherchent la mort dans leur relation. Alors, la présence de la mort avec la sexualité vient aussi du contexte familial, notamment la mère biologique des personnages dans les deux œuvres. Pour ce qui est de l’autre figure de la matrie, elle a un impact quasi contradictoire dans les deux romans. Dans Thérèse Raquin, elle annonce le mélange amour et dégoût dans la relation entre Thérèse et Laurent, tandis que dans Kamouraska, elle annonce plutôt la force de l’attachement entre les amants.  

3.      D’Éros à Thanatos, l’évolution du désir sexuel vers un désir de mort
Si on se base sur l’analyse du personnage de Thérèse qu’a faite Chantal Jennings dans Thérèse Raquin, ou le péché originel, on peut séparer l’évolution du désir chez Thérèse en cinq parties. Alors, en ordre, l’évolution se fait comme suit : l’étape présexuelle, la naissance de la sexualité, l’engouffrement dans la passion, le paroxysme de la jouissance et la culpabilité finale. J’analyserai donc le changement d’Éros à Thanatos à la lumière de ces cinq étapes pour les deux romans.
3.1. L’étape présexuelle
Marcel Carné, Thérèse Raquin, 1953
(9325e image du film)
Dans Thérèse Raquin, l’évolution du désir chez Thérèse commence par l’étape présexuelle[20]. C’est avant que Thérèse rencontre Laurent, lorsque sa nature nerveuse, bien qu’existante, est latente et contrôlée. On peut dire qu’elle n’est pas encore éveillée à sa sexualité. Le désir sexuel est donc inexistant. En effet, le seul homme dans sa vie, son cousin Camille,  la laisse « froide et indifférente » (TR : 26). En plus, dans cette période de sa vie, son éducation ne correspond pas à sa nature : «elle était d’une santé de fer, et elle fut soignée comme une enfant chétive » (TR : 23). La différence entre les temps de verbe du verbe être, celui à l'indicatif imparfait, temps descriptif, et le passé simple, temps d’action, montre bien le décalage entre ce qu’est Thérèse et comment elle vit. Elle est une femme vigoureuse qui vit en morte. Il y a un conflit entre la nature de l’être et ses actions. À cette étape, où le désir sexuel n’existe pas encore pour Thérèse, elle contrôle bien cette situation : « Elle gardait d’ailleurs une humeur égale et facile; toute sa volonté tendait à faire de son être un instrument passif, d’une complaisance et d’une abnégation totale. » (TR : 32) Par conséquent, cette partie de l’évolution correspond à la place trop grande que prend le « surmoi » chez Thérèse, refoulant tous ses désirs, caractéristique que l’on avait susmentionnée dans l’analyse du personnage désirant.
Dans Kamouraska, l’étape présexuelle chez Élisabeth est symbolique. En effet, avant de rencontrer son amant, Élisabeth est déjà un être sexué. En fait, même avant de rencontrer son mari, on sent une tension sexuelle chez elle, mais remplie de questionnements : « Comment faire? Je voudrais savoir… Les garçons… Les garçons… » (K : 65) Clairement, le désir de connaître les garçons est souligné. En même temps, la répétition des points de suspension montre aussi son doute, son incertitude par rapport à son envie. Elle ne réussit pas à formuler sa requête, parce qu’elle ne sait pas vraiment ce qu’elle veut, tout en le désirant. C’est donc dans une décision précipitée pour satisfaire son désir qu’elle épouse Antoine Tassy, Seigneur de Kamouraska. Toutefois, ses attentes informulées sont déçues. Elle est même effrayée après leur première nuit de noces : « Cette fraîche entaille entre les cuisses, la mariée regarde avec effarement ses vêtements jetés dans la chambre, en grand désordre, de velours, de linge et de dentelle. » (K : 73) Elle a bel et bien connu une sexualité, bien avant de connaître son amant, le docteur George Nelson, mais c’est une sexualité sauvage et violente. Toutefois, sa relation entre son mari et elle s’envenime et Élisabeth retourne vivre dans sa maison maternelle. C’est là qu’elle rencontre le docteur George Nelson, vieil ami de son mari. Déjà, après la deuxième rencontre médicale, elle devient obsédée par lui. Elle veut le revoir, mais avant elle désire retrouver symboliquement sa pureté : « M’établir dans une chasteté parfaite (…) Renaître à la vie, intouchée, intouchable, sauf pour l’unique homme de ce monde, en marche vers moi. Violente, pure, innocente! Je suis innocente! J’attends que mon amour me prenne et me garde. Cet homme est le bonheur. Il est la justice. » Alors, on peut voir ce moment comme une étape présexuelle, puisqu’elle vise à oublier les expériences sexuelles antérieures pour en découvrir des nouvelles. En fait, elle se prépare à renaître à une nouvelle sexualité.
Si on compare les deux livres, on remarque qu’il y a vraiment un moment présexuel avant la rencontre entre les amants. Toutefois, il ne se manifeste pas tout à fait de la même façon. En effet, Thérèse ne connaît pas physiquement et mentalement le désir sexuel et est indifférente aux hommes. Une indifférence qu’Élisabeth n’a pas. Cette différence pourrait s’expliquer par le contexte des deux œuvres. En effet, Thérèse Raquin, écrit par un écrivain homme au début du 18e siècle, montre une vision sexiste de la sexualité de la femme : elle n’a pas vraiment de désir sexuel propre et ne devient sexuée que par la présence et l’action d’un homme. En fait, Jacques Pelletier l’explique dans son étude sur la représentation de la femme dans l’œuvre de Zola : « elle ne possède aucune valeur propre, ne dispose d’aucune autonomie et la femme n’est jamais sujet de désir, mais, au mieux, objet de désir de l’homme »[21]. Toutefois, œuvre beaucoup plus récente et de surcroît écrit par une femme, Kamouraska montre le désir sexuel d’une adolescente comme provenant d’elle-même. Elle prouve que la femme a elle aussi des désirs sexuels. Cette vision de la femme coïncide parfaitement avec le début du féminisme au Québec en 1970[22]. En effet, on assiste à cette époque la naissance d’une littérature plus féministe où les femmes commencent à revendiquer leur sexualité. En plus, dans Kamoursaka, la protagoniste, en assouvissant ses désirs, brave même l’ordre établi en refusant de jouer le rôle de la mère et de l’épouse traditionnelle. Ainsi, on remarque une nette évolution de la vision de la femme et de sa sexualité entre les deux œuvres.
            3.2 La naissance de la sexualité
La seconde étape est la naissance de la sexualité chez Thérèse. Cette naissance est clairement définie dans le texte : elle correspond exactement à l’arrivée du personnage de Laurent. En effet, lorsqu’elle le voit pour la première fois, Thérèse a l’impression qu’« (e)lle n’avait jamais vu un homme » (TR:37) avant ce moment. Cette hyperbole dévoile qu’aux yeux de Thérèse, ni Camille, ni Olivier, ni Grivet (les deux derniers sont les invités de la famille Raquin tous les jeudis soirs) ne sont des hommes. Elle ne fait pas de réelle distinction entre les sexes. Alors, cette asexualité se voit bousculée par l’arrivée de Laurent. En plus, Laurent ne vient pas que sexualiser le monde de Thérèse, il sort Thérèse de son calme cultivé : « La nature sanguine de ce garçon [] troublai[t] la jeune femme et la jetai(t) dans une sorte d’angoisse nerveuse. » (TR : 42) On a mentionné dans l’étude du personnage que la nervosité fait partie du personnage de Thérèse, mais maintenant, au lieu d’être latente, elle est réelle. Cette évolution est physiquement remarquable chez le personnage. En effet, lorsque Laurent rejoint pour la première fois Thérèse dans sa chambre, il est surpris de trouver sa maîtresse belle : « Il n’avait jamais vu cette femme. » (TR : 42) La sexualité éveillée transfigure Thérèse. Toutefois, la sexualité qui s’éveille entre les deux est souvent associé à « une brutalité sinistre » (TR : 52), avec des caresses « douces et brutales » (TR : 49), dans un éclatement d’une « violence inouïe » (TR : 49), avec des « crises » et des « sanglots » (TR : 49). Tout ce champ lexical de la brutalité montre bien la proximité de la violence avec la sexualité de Laurent et Thérèse. Par conséquent, Éros s’épanouit dans une violence qui traduit la présence de Thanatos.
Dans Kamouraska, on assiste à la naissance, non pas de la sexualité telle quelle, mais plutôt de l’amour. En effet, Élisabeth a déjà connu la sexualité avec Antoine son mari, mais jamais l’amour. Avec Nelson, c’est différent. Uniquement le fait qu’il l’appelle par son prénom au lieu de son nom de femme l’emplit de bonheur : « Il m’a appelée par mon nom. Pour la première fois. Je baisse la tête pour cacher ma joie. » (K : 125) C’est pour cela qu’on peut dire que c’est davantage Éros dans son sens amoureux et sexuel qui se forme entre les deux. Le moment clé de la naissance de cet amour est lorsque le docteur Nelson avoue son amour pour Élisabeth : « Il dit ‘‘qu’il m’aime plus que tout au monde’’. Je lui réponds ‘‘qu’il est toute ma vie’’. » Les deux hyperboles traduisent la force de leur sentiment. Ils sont tout l’un pour l’autre, même s’ils se connaissent à peine. Cette puissance réciproque de leur sentiment pourrait provenir de « l’amour-passion » ou l’« amour hors la loi »[23] tel que décrit par Kristeva dans son analyse de Roméo et Juliette. En effet, l’amour en dehors les liens sacrés du mariage outrepasse les règles sociales et morales émises par la religion, puisqu’il ne vise pas la procréation. Il vit dans l’instant présent, comme Élisabeth le dit : « Et moi, je n’ai que le temps de vivre. Il s’agit de ne pas se déshabiller complètement et de ne pas allumer la lampe. » (K : 141) C’est donc le sentiment de punition qui guette le couple qui rend leur lien si fort : « L’infraction à la loi, le défi, constitue la condition première, consubstantielle, de l’exaltation amoureuse (…) »[24]. Alors, dans Kamouraska, on assiste à la naissance d’un sentiment amoureux, bien qu’il soit vécu à travers un désir sexuel fort et puissant.
En comparant les deux œuvres, on voit dans cette étape une nette différence. En effet, dans Thérèse Raquin, c’est une sexualité qui s’installe entre les deux. Leur relation est uniquement corporelle : ils sont l’un pour l’autre nécessaires pour combler leur désir sexuel. C’est donc une tension sexuelle qui mène à leur premier acte sexuel. Toutefois, dans Kamouraska, c’est un amour qui naît entre les deux. Et c’est cette « tension » amoureuse qui mène à l’acte sexuel. Ainsi, dans Kamouraska, l’adultère a davantage une raison d’être, tandis que dans Thérèse Raquin, elle est arrivée à cause des circonstances et non des choix des personnages. Encore une fois, cette vision de la femme est beaucoup plus sexiste que celle dans Kamouraska, parce que la femme y est ici décrite comme incapable d’aucun choix personnel, et n’est que le produit de son environnement.
                 3.3. L’engouffrement dans la passion

Marcel Carné, Thérèse Raquin, 1953
(43425e image du film)

La troisième étape est celle de l’engouffrement dans la passion. Dans Thérèse Raquin, cette étape est probablement la plus longue parce qu’elle implique une évolution chez les personnages. Au début, leur relation leur semble nécessaire, mais pas choisie : «À partir de ce jour, Thérèse entra dans sa vie. [Laurent] ne l’acceptait pas encore, mais la subissait. Il avait des heures d’effroi, des moments de prudences, et, en somme, cette liaison le secouait désagréablement; mais ses peurs, ses malaises tombaient devant ses désirs. Les rendez-vous se suivirent, se multiplièrent.» (TR : 49) La relation de Thérèse et Laurent est même douloureuse pour Laurent, comme le souligne le champ lexical de la douleur qui emploie les mots « subissait », « désagréablement », « effroi », « malaises » et « peurs » en traitant de la relation entre Thérèse et Laurent. Leur exaltation sexuelle est liée à la douleur. Ce jeu de répulsion/attraction fait penser à ce que Kristeva explique dans son analyse de Roméo et Juliette en se basant sur une théorie de Freud : « Dans la relation à un objet, à un autre, la haine (…) est plus ancienne que l’amour. Dès qu’un autre m’apparaît différent de moi,  il m’est étranger : repoussé, repoussant, abject, haï. »[25] C’est la présence de Thanatos dans Éros. Toutefois Laurent finit par s’habituer à Thérèse. En fait, huit mois après le début de leur relation, ils fusionnent, dans une satisfaction complète de leur désir.  Il est même écrit de Laurent qu’il « ne s’appartenait plus; sa maîtresse (…) s’était glissée peu à peu dans chacune des fibres de son corps. » (TR : 61) On pourrait dire qu’à ce stade Éros est dominant, parce que même si la brutalité de leur étreinte est la preuve d’un désir de mort latent, c’est leur désir sexuel qui est satisfait et qu’ils cherchent à satisfaire à tout prix. Le point culminant de l’engouffrement dans la passion est lorsqu’une entrave arrive à leur couple. En effet, Laurent prend congé à son emploi à la gare du chemin de fer d’Orléans pour aller rejoindre Thérèse à leur rendez-vous, mais son employeur le lui interdit sous peine d’être mis à la porte. Devant l’impossibilité de se revoir, leur désir n’est qu’attisé. Ils sont prêts à tout pour combler ce désir entretenu durant huit mois. Et c’est à ce moment que l’idée du meurtre germe dans leur esprit. C’est le tournant de l’engouffrement dans la passion : « Et c’est ainsi qu’un nouveau coin de sa nature inconsciente venait de se révéler : il s’était mis à rêver l’assassinat dans les emportements de l’adultère. » (TR : 66) C’est la première fois que le désir de mort est clairement exprimé. On peut donc dire c’est à partir de ce moment que le désir de mort fait consciemment son apparition pour les amants.
Dans Kamouraska, l’engouffrement dans la passion se fait très rapidement. En effet, comme susmentionné dans le paragraphe sur la naissance de leur amour, Nelson et Élisabeth vivent leur passion avec l’impression que l’épée de Damoclès est suspendue au-dessus de leur tête. Leur sentiment en est ainsi exalté. Ils deviennent donc rapidement obsédés l’un par l’autre. Leur désir de se revoir est si important qu’il devient leur seule réalité : « Quand un homme et une femme ont ressenti cela, une seule fois, dans leur vie. Ce désir absolu. Comment peuvent-ils désormais vivre comme tout le monde : manger, dormir, se promener, travailler, être raisonnable? » (K : 142) En énumérant ainsi des actions quotidiennes et en y ajoutant après le fait d’être raisonnable, cela montre l’effort quotidien que cela veut maintenant dire pour les amants d’être raisonnable. Et ce même si au début ils vivent leur amour comme s’ils étaient protégés. En effet, Antoine étant retourné à Kamouraska, ils font des plans pour leur avenir, parlent de mariage comme s’ils étaient libres. Toutefois, Élisabeth est contrainte par le mariage. Et peu à peu, ils vivent leur amour dans la peur et avec l’impression de braver le monde entier : « Il fallait bien en arriver là. L’imprudence absolue. Risquer toute son âme. » (K : 157) La notion d’âme est intéressante puisqu’elle rappelle l’importance de la religion dans la communauté québécoise de cette époque[26]. Alors, ce n’est pas uniquement l’action de tromper son mari qui donne l’impression à Élisabeth de vivre dans une extrémité dangereuse, mais c’est aussi l’impression d’y perdre son âme. Cette situation que vivent les amants fait penser à une réflexion sur les désirs de Blaise Pascal, philosophe : « Guerre intestine de l’homme entre la raison et les passions. S’il n’avait que la raison sans passion… S’il n’avait que les passions sans la raison… Mais ayant l’un et l’autre, il ne peut être sans guerre avec l’autre : ainsi toujours divisé, et contraire à lui-même. »[27]  Cette citation montre très clairement l’enjeu des amants. On peut même associer leur raison à la religion, puisque c’est celle-ci qui dicte ce qui devrait être bon ou mauvais. Finalement, les amants en viennent à l’idée de tuer Antoine, pour qu’ils puissent vivre leur amour sans la peur d’être jugés socialement, sans la barrière infranchissable du mariage. C’est le moment de l’histoire où Thanatos est clairement identifiable. En plus, en voulant la mort de son mari pour vivre son amour avec Nelson, Élisabeth incarne bien la confusion entre Éros et Thanatos. Elle le dit elle-même : « Je suis la vie et la mort inextricablement liées. » (K : 164) L’antithèse «vie» et «mort» reflète bien la contradiction entre ses deux désirs, entre Éros et Thanatos maintenant clairement présents.
Dans les deux romans, on peut voir que c’est l’entrave à leur relation qui solidifie, ou accentue le sentiment des amants. Ainsi, quand Thérèse et Laurent ne peuvent plus se revoir, c’est là qu’ils commencent à penser à des mesures extrêmes, notamment le meurtre, pour se voir. Dans Kamouraska, George et Élisabeth, dès le départ, voient leur relation contrecarrée par la présence du mari certes, mais surtout à cause des apparences. On peut voir dans ce décalage entre le désir des deux couples et la réalité une contradiction provenant du « principe de plaisir »[28], concept élaboré par Sigmund Freud. Selon le psychanalyste, les désirs ne sont pas modulés par les changements de la réalité de la personne. Ils ne respectent pas les principes de réalité. Ils vivent selon un changement de plaisir et ne recherchent que leur satisfaction. En effet, la réalité des deux paires d’amants n’est pas favorable à leur désir, même que le désir est néfaste pour les couples dans les circonstances. C’est pourquoi on peut dire que le désir ne suit pas un principe de réalité, mais vise plutôt à sa satisfaction. C’est pour cette raison que lorsque vient l’obstacle à leur couple, le désir n’en est pas du tout diminué. Finalement, les deux couples, ne pouvant se défaire de leur désir, en viennent à l’idée que le meurtre devient la meilleure solution pour les libérer. Dans ces deux situations, c’est le moment clair où le désir sexuel devient un de meurtre. En effet, le désir de se voir est remplacé par le désir du meurtre qui permettrait qu’ils se voient. En plus, cette situation rappelle la théorie du désir de mort et de vie qui agissent en complémentarité. En effet, on pourrait dire que le désir sexuel non satisfait a créé une tension si grande que le désir de mort s’est imposé afin de remettre à zéro cette tension. Donc, dans les deux œuvres, l’engouffrement dans la passion est très semblable et finit avec l’idée du meurtre.
3.4. Le paroxysme du désir
Le paroxysme du désir dans Thérèse Raquin est le meurtre de Camille. Il se déroule lors d’une sortie à la campagne que Thérèse, Camille et Laurent font souvent le dimanche. Envahie par un désir ardent de Thérèse, Laurent décide d’agir. Il loue une embarcation et sachant que Camille ne sait pas nager, il fait chavirer la barque. Camille se noie. Laurent est soulagé, même heureux : « Une joie lourde et anxieuse, la joie du crime accompli, l’emplissait. » (TR : 84) Toutefois, le meurtre lui-même est le paroxysme de la jouissance, et non les retrouvailles après. En effet, après l’acte criminel commis, les deux amants ne se désirent plus :
Les amants ne cherchèrent plus à se voir en particulier. Jamais ils ne se demandèrent un rendez-vous, jamais ils n’échangèrent furtivement un baiser. Le meurtre avait comme apaisé pour un moment les fièvres voluptueuses de leur chair : ils étaient parvenus à contenter, en tuant Camille, ces désirs fougueux et insatiables qu’ils n’avaient pu assouvir en se brisant dans les bras l’un de l’autre. Le crime leur semblait une jouissance aiguë qui les écœurait et les dégoûtait de leurs embrassements. (TR : 104)
On peut voir que leur désir initial a été pleinement satisfait du meurtre de Camille. En fait, le meurtre a été « une jouissance aiguë », l’orgasme de leur relation en d’autres mots. On pourrait donc croire que le désir initial en est peut-être un de mort puisque comme il y est écrit, ils n’arrivaient pas à pleinement satisfaire leur désir par la sexualité, il n’y a eu que le meurtre pour assouvir leur envie. La théorie du « retour du refoulé »[29] de Freud devient alors intéressante à aborder. Le refoulé est un désir contrarié, qui se travestit en un autre désir pour être satisfait. Ainsi, le désir initial aurait été celui de mort, mais refoulé par le « moi », il serait revenu en désir sexuel pour finalement réussir à se satisfaire. Cela peut expliquer pourquoi la sexualité est aussi brutale dans le couple, puisque ce n’est pas un désir sexuel que le couple essaye de satisfaire, mais plutôt un de mort. Cette théorie est cohérente avec le reste de l’histoire, puisque Thérèse détestait Camille et Laurent désirait sa place dans la famille Raquin, donc les deux auraient parfaitement pu vouloir sa mort depuis le début. Toutefois, peu importe si cette hypothèse est véridique ou non, le désir initial en est vraisemblablement un de mort.

Affiche du film Kamouraska
de Bruno Massenet

Le paroxysme du désir dans Kamouraska est aussi un meurtre, celui d’Antoine Tassy, Seigneur de Kamouraska. En effet, ne supportant plus d’être séparés, Élisabeth et George voient le meurtre comme la seule solution. Ils en viennent à ne vouloir que le meurtre. Ainsi, George part pour Kamouraska pour tuer Antoine. Rendu au manoir d’Antoine, il amène son vieil ami en ballade dans son traîneau et puis le tire d’une première balle. Il le tire une deuxième fois, pour l’achever, dans un banc de neige. George s’acharne sur le corps d’Antoine. Il le frappe de sa crosse « jusqu’à l’usure de la force surhumaine en lui déchaînée. » (K : 234) Le meurtre le rend ivre. Il se sent maître du monde, de la vie et de la mort. En plus, en même temps que ses instincts meurtriers explosent violemment, ses instincts sexuels prennent eux aussi une puissance considérable : « Un instant le vainqueur essuie son visage sur ma manche.  Cherche dans son cœur la femme pour laquelle… Désire s’accoupler immédiatement avec elle. Triomphalement. Avant que ne déclinent sa puissance et sa folie. » (K : 234) L’utilisation du terme « s’accoupler » met en lumière le côté animal de toute cette scène, la bestialité de l’acte. Nelson en est donc réduit à ses pulsions les plus primitives pour son désir sexuel, et cela libère tous ses instincts, même ceux de meurtre.
Dans Thérèse Raquin, le désir initial semble celui de mort, d’où l’évolution logique d’Éros à Thanatos. En effet, il n’y a que le meurtre qui a réussi à satisfaire leur désir. Toutefois, dans Kamouraska, même après le meurtre, le désir sexuel persiste, ce qui témoigne du fait que le désir initial n’en soit pas un de meurtre. Ainsi, à cette étape de l’évolution, on remarque une différence fondamentale entre l’évolution du désir dans les deux œuvres. En effet, dans Thérèse Raquin, le désir initial en est un de meurtre et s’est donc travesti en désir sexuel pour être satisfait. L’adultère ne vient donc pas d’un désir sexuel. Zola explique lui-même sa conception de l’adultère dans son essai L’encre et le sang : « Les appétits sensuels n’y sont presque pour rien, pas plus que dans la débauche libre, d’ailleurs. »[30] Alors, Zola ne considère pas la sexualité comme source de l’adultère. Il voit l’adultère comme une espèce de fatalité causé par l’environnement et l’éducation des personnages. Cependant, dans Kamouraska, le désir sexuel perdure après le meurtre. Même l’amour continue après le meurtre, puisque Élisabeth n’arrête pas d’appeler Nelson son « amour », même après 18 ans de séparation : « Rejoindre mon amour, à l’autre bout du monde. À Burlington. » (K : 9) L’adultère est donc motivé par un sentiment amoureux. Conséquemment, l’évolution d’Éros à Thanatos n’est pas déterminée à la base comme dans Thérèse Raquin, mais est plutôt créée à cause de l’impossibilité des amants de vivre leur amour, et de l’extrémité dans laquelle cette situation les a poussés.
            3.5. La culpabilité finale
La culpabilité finale des deux amants peut être observée de trois façons dans le roman Thérèse Raquin. En effet, on la voit d’un point de vue psychologique, d’un point de vue physique et par la matérialisation de la culpabilité. Donc, psychologiquement, la fin du désir des amants, ou plutôt l’incapacité de se retrouver l’un et l’autre ensemble, montre leurs remords. En fait, ils se sentent repoussés par leur partenaire à cause des accusations qu’ils se portent mutuellement. Ils se dégoûtent tant à cause de leurs agissements qu’ils ressentent leur dégoût physiquement. En effet, ils ne réussissent plus à se toucher. Ils ont même l’impression que leurs corps pressés l’un contre l’autre est une brûlure infernale. En plus, leur incapacité de se toucher provient aussi de leurs hallucinations du cadavre de Camille : c’est la matérialisation de leur culpabilité. En effet, chaque nuit que les amants passent ensemble après le meurtre est remplie du souvenir de Camille : « Il y avait entre eux une large place. Là couchait le cadavre de Camille. » (TR : 158) À la fin, leur culpabilité est si difficile à vivre que les amants pensent qu’il faut tuer l’autre pour tuer leurs remords. Toutefois, prêt à commettre un deuxième meurtre, ils se rendent compte de leur propre culpabilité, qu’ils essayaient de se cacher en accusant l’autre, et ils comprennent qu’ils ne seront plus jamais libres. Et c’est donc en recherchant une certaine délivrance qu’ils commettent un double suicide. 

Bruno Massenet, Kamouraska
Collection Cinémathèque québécoise

Dans Kamouraska, les deux amants sont les suspects principaux du meurtre. Nelson s’enfuit aux États-Unis pour fuir les autorités. Élisabeth est emprisonnée, mais est finalement proclamée innocente. Toutefois, bien qu’elle ne reste pas emprisonnée, Élisabeth s’enferme dans une autre prison : le mariage. En effet, deux ans après le meurtre de son mari, pour sauvegarder les apparences et rétablir l’honneur, elle se remarie avec M. Rolland. Elle ne vit dès lors que pour les apparences. On assiste donc à la mort psychologique d’Élisabeth. Elle ne devient qu’un être d’apparences. Et pendant 18 ans, elle joue à l’« épouse parfaite de Jérôme Rolland » (K : 10). On voit cette différence entre Mme Rolland et Élisabeth grâce à fracture du nom, comme expliqué dans l’analyse du personnage désirant. Toutefois, avec la mort de son nouveau mari, Élisabeth est envahie par les souvenirs de la mort de son premier mari. On voit que tout cet épisode de sa vie est encore frais dans sa mémoire. Elle quitte alors peu à peu son rôle de Mme Rolland, pour redevenir en songe Élisabeth et retrouver son amant perdu. Finalement, vers les dernières heures de son mari, on assiste à la renaissance d’Élisabeth, de l’être pulsionnel qu’elle était avant : « L’épouse modèle tient la main de son mari, posée sur le drap. Et pourtant… Dans un champ aride, sous les pierres, on a déterré une femme noire, vivante, datant d’une époque reculée et sauvage. Étrangement conservée. (…) Chacun se dit que la faim de vivre de cette femme, enterrée vive, il y a si longtemps, doit être si féroce et entière, accumulée sous la terre, depuis des siècles. » (K : 250)  Cette allégorie de la femme enterrée peut faire référence à l’amour d’Élisabeth pour Nelson. En effet, refoulé depuis dix-huit ans, enterré sous des couches de bonnes manières, le désir qu’a Élisabeth d’être avec son ancien amant est toujours là, entier.
Alors, dans Thérèse Raquin, on voit la très forte influence de la religion dans le dénouement  du roman. En effet, la sexualité est maudite puisqu’elle n’a pas de but procréatif[31]. Elle devient même à l’image de l’enfer chrétien lorsqu’ils réessayent leur embrassement après le meurtre : « Quand leurs membres se touchèrent, ils crurent qu’ils étaient tombés sur un brasier » (TR : 161). Dans la même page, les références au feu de l’enfer continuent pour décrire les embrassements des assassins : « feu », « fer rouge » et « brûla ». Les amants se sentent donc véritablement coupables de leur acte, et incapables de vivre outre cette culpabilité, ils envisagent le suicide comme la seule façon de se libérer. Dans Kamouraska, il est certain qu’Élisabeth meurt psychologiquement elle aussi après le meurtre. Toutefois, elle ne semble pas se sentir réellement coupable. En effet, son remariage est clairement pour les apparences et non pour échapper à ses remords. Et c’est l’usure de toujours vouloir corresponde aux valeurs bourgeoises de sa société « écrasée par les soutanes, obsédée par le maintien des valeurs rurales et fortement opposée à la modernité »[32] qu’Élisabeth commet son suicide psychologique. C’est une sorte de mort à l’usure. Cependant, une nouvelle fois libérée du joug du mariage, l’ancienne Élisabeth, qui représente le désir amoureux pour Nelson, revient à la vie. Alors, la différence de la fin de l’évolution du désir entre les deux œuvres est assez marquée. En effet, dans Thérèse Raquin, la culpabilité pousse les amants au double suicide. Les pécheurs sont punis. La religion agit donc dans le dénouement, mais entre les lignes, sans être clairement nommée comme activiste. Mais dans Kamouraska, la mort psychologique d’Élisabeth vient à cause de son deuxième mariage et des apparences qu’elle essaye de sauvegarder. Alors, dans ce cas, ce n’est pas tant le geste désespéré des amants qui est critiqué, surtout qu’il était motivé par un sentiment amoureux, mais la société conservatrice et superficielle. En fait, même l’institut du mariage et le rôle déshumanisant que la femme doit adopter en son sein sont questionnés.

CONCLUSION
Dans les deux œuvres, Éros et Thanatos sont étroitement liés. En effet, que ce soit dans la construction des personnages ou dans les influences des figures matriarcales, la mort est toujours près du désir sexuel. Toutefois, lorsqu’on analyse l’évolution même du désir sexuel vers le désir de mort, d’Éros à Thanatos, dans les deux romans, on voit une différence dans la conception de cette évolution. En effet, dans Thérèse Raquin, la sexualité est destinée à être fatale à cause de l’influence moralisatrice de la religion et de la vision sexiste de la sexualité féminine du milieu du XIXe siècle en France. Toutefois, dans Kamouraska, même si l’histoire se passe à la même époque que Thérèse Raquin, Anne Hébert l’a écrit beaucoup plus tard, soit en 1970, période de la naissance du féminisme. L’évolution d’Éros à Thanatos est donc non pas une fatalité, mais un drame généré par les règles strictes de la religion à cette époque. Le mariage y est critiqué. Toutefois, puisque l’évolution tragique vient dans les deux cas de la sexualité féminine, maudite dans Thérèse Raquin et prisonnière dans Kamouraska, il serait vraiment intéressant d’étudier ce qui a amené les amants à s’impliquer dans une relation adultère. En effet, on pourrait se demander pourquoi ils ont choisi un tel mode de vie tandis qu’ils étaient «libres» (célibataires) tous les deux. Alors, ni directement brimés par les liens sacrés du mariage, ni sexuellement stéréotypés, pourquoi leur sexualité à eux aussi est fatale et tragique?


[1] GEOPSY, « Fiches de lecture » dans l’Abrégé de Psychanalyse – Chapitre 1 à 3 de Sigmund Freud, [en ligne], (28 mai 2012).
[2] É. Zola, Thérèse Raquin, 309 p.  *Notez qu’à partir de cette note, les références au livre seront insérées     dans le texte entre parenthèses, par la notation « TR » suivit du numéro de la page.
[3] É. Zola, « Préface de la deuxième édition » dans Thérèse Raquin, p. 7.
[4] A. Hébert, Kamouraska, 250 p. *Notez qu’à partir de cette note, les références au livre seront insérées dans le texte entre parenthèses, par la notation « K » suivit du numéro de la page.
[5] S. Freud, Au-delà du principe de plaisir, p. 40-54.
[6] T. Bokanovski, La conception de pulsion de mort, [article en ligne], (13 mars 2012).
[7] GEOPSY, « Fiches de lecture » dans l’Abrégé de Psychanalyse, [en ligne], (28 mai 2012).
[8] Ibid., p. 5.
[9] Ibid.
[10]C.  Kègle, « Le discours de l’Autre dans Kamoursaka : convergence du désir de la matrie et du motif de la folie » dans Les Cahiers d’Anne Hébert, p. 149.
[11] Selon la terminologie de Gérard Genette.
[12] C.  Kègle, « Le discours de l’Autre dans Kamoursaka : convergence du désir de la matrie et du motif de la folie » dans Les Cahiers d’Anne Hébert, p. 152.
[13] Ibid., p. 149.
[14]C. Bégorre-Bret, Le Désir de Platon à Sartre, p. 189.
[15] C.  Kègle, « Le discours de l’Autre dans Kamoursaka : convergence du désir de la matrie et du motif de la folie » dans Les Cahiers d’Anne Hébert, p. 149.
[16] J.  Kristeva, « Roméo et Juliette ou l’amour hors la loi » dans Shakespeare et la France, p. 189.
[17] M.-D. Caradec, «Notes et dossier» dans Thérèse Raquin, p. 245.
[18] C. Klège, « Le discours de l’Autre dans Kamouraska » dans Les Cahiers Anne Hébert, p. 153.
[19] Ibid.
[20] C. Jennings, Thérèse Raquin, ou le péché originel, p. 94.
[21] J. Pelletier, Le peuple-femme : La « marque fatale du sexe », p.55
[22] A. Laplante, «Littérature québécoise», Notes du cours Littérature québécoise, p. 97.
[23]J.  Kristeva, « Roméo et Juliette ou l’amour hors la loi » dans Shakespeare et la France, p. 173.
[24] Ibid., p. 177.
[25] Ibid., p. 189.
[26] C. Couture, « Québec » dans L’Encyclopédie Canadienne, [article en ligne], (27 mai 2012).
[27] C. Bégorre-Bret, Le Désir de Platon à Sartre, p. 89.
[28]Ibid., p. 189.
[29] Ibid.
[30] É. Zola, L’encre et le sang, p. 232.
[31] F.-M. Mourad, Les composants du drame dans Thérèse Raquin d’Émile Zola, p.4.
[32] C. Couture, « Québec » dans L’Encyclopédie canadienne, [article en ligne], (27 mai 2012).









MÉDIAGRAHIE
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